La note d’étape du comité d’évaluation des ordonnances, remise en décembre dernier, confirme les débuts difficiles de la mise en place des CSE.

Le 31 décembre 2019 au plus tard, toutes les entreprises de 11 salariés et plus devront avoir mis en place un comité social et économique en lieu et place des anciennes instances représentatives du personnel (DP, CE, CHSCT). Loin du satisfecit de la ministre du Travail, la CFDT n’a cessé de mettre en garde sur la portée réelle de ce premier volet des ordonnances. S’appuyant sur les remontées de ses équipes, elle rappelle depuis des mois par la voix du secrétaire national chargé du dialogue social, Philippe Portier, que « beaucoup d’entreprises ne font pas le pari du dialogue social et profitent de cette réforme pour réduire les moyens syndicaux ». Et ce n’est pas la note d’étape sur les travaux du comité d’évaluation des ordonnances, rendue en décembre, qui va la faire changer d’avis.
Moins de 15 % de CSE mis en place
S’appuyant sur des données issues de la DGT (direction générale du travail), de la Dares (direction des statistiques du ministère du Travail), de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et du ministère de la Justice, mais aussi sur des auditions et des contributions écrites des partenaires sociaux, le comité d’évaluation précise qu’au 1er décembre 2018, seules 10 500 entreprises de plus de 10 salariés avaient mis en place un CSE. Ce qui revient à dire que 86 % des CSE ne sont pas encore créés. Les trois coprésidents du comité – Marcel Grignard (ancien secrétaire général adjoint de la CFDT), Sandrine Cazes (économiste à l’OCDE) et Jean-François Pilliard (ancien vice-président du Medef) – pointent des « débuts de mise en place des CSE [qui] ne témoignent pas pour l’instant d’une nouvelle dynamique des relations sociales au sein des entreprises. Une simplification et une rationalisation économique (allant souvent de pair avec une adaptation au nouveau cadre des pratiques préexistantes) semblent dominer ». S’ils reconnaissent que « dans les entreprises où le dialogue social était déjà d’un bon niveau, là où qualité et efficacité du dialogue social faisaient déjà l’objet de préoccupations, il existe une dynamique », de leur aveu même, « cela est loin d’être le cas général ».
Une mise en place a minima
Au contraire, une majorité d’employeurs se sont jusqu’ici contentés d’« une simple application a minima d’une disposition obligatoire, adaptant juste les structures de représentation existantes avec pour conséquence une absence de diagnostic partagé sur le dialogue social et la négociation d’entreprise mais aussi une focalisation sur les moyens et les coûts de fonctionnement du CSE. Ce qui se traduit par une diminution du nombre d’élus et/ou d’heures de délégation et donc par des inquiétudes sur le devenir des anciens élus ». De fait, relève le comité, « du côté des représentants des salariés, l’approche reste avant tout défensive ».
C’est pourquoi, dans sa contribution, la CFDT insiste sur le fait qu’« avec une baisse d’un tiers du nombre d’élus de ces CSE par rapport aux instances antérieures, il est nécessaire de rééquilibrer, par la réalisation d’un état des lieux du fonctionnement du dialogue social dans toutes les entreprises, puis la négociation d’un accord de dialogue social, le rapport de force au bénéfice des futurs représentants du personnel des CSE qui seront élus ».
Autres points de vigilance relevés par le comité d’évaluation à la suite de ses auditions de responsables syndicaux et patronaux : « beaucoup regrettent le CHSCT », ce qui fait dire à Marcel Grignard dans un entretien au site actuEL-CE qu’« il y a un consensus à prendre en compte, avec des commissions santé sécurité conditions de travail [CSSCT], qui sont parfois mises en place là où ce n’est pas obligatoire, le sujet des conditions de travail ». Syndicats comme patronat insistent également sur « le risque de centralisation induit par les CSE [qui] pourrait conduire à un plus grand formalisme du dialogue social », en particulier au sujet des conditions de travail. Dans sa contribution, la CFDT va plus loin, se fondant sur une analyse qualitative d’une trentaine d’accords : « Aucun agenda social n’est formalisé et l’équilibre de l’ordre du jour des instances est très majoritairement en défaveur d’un dialogue social de qualité. » Enfin, « tous les interlocuteurs soulignent que le lourd mandat des CSE nécessitera un apprentissage important, ce qui peut justifier une présence en séance des suppléants avec les titulaires ». Il en va de même, du fait la forte diminution du nombre d’élus, du « besoin de reconnaître les compétences et de les inscrire dans une gestion du parcours professionnel »… alors que les représentants patronaux bottent en touche quant à sa mise en œuvre.
Les équipes accompagnées
Le comité d’évaluation promet d’ores et déjà une nouvelle note d’étape à la fin 2019. D’ici là, la CFDT, qui met en avant « un profond découragement des acteurs » et « une inquiétude quant à l’atteinte des objectifs initiaux des ordonnances », continuera d’accompagner ses équipes dans la mise en place des CSE en les aidant à négocier les meilleurs accords possibles durant toute l’année 2019… et tenter de faire comprendre à la ministre du Travail et au patronat la nécessité de redresser la barre « afin d’éviter de se trouver dans l’impasse d’une radicalisation des travailleurs ».