Le 28/10/2022 par La rédaction

Audition de Monsieur Hervé BERVILLE Secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la Mer Locaux ADF

Bonjour Monsieur le Ministre 
Bonjour à toutes et tous, 

La délégation UFM CFDT tenait, en premier lieux, à vous remercier d’avoir répondu  à cette invitation des partenaires sociaux du maritime initié par Monsieur Jean-Marc ROUE, abordant dans sa lettre ouverte et de façon concrète la problématique du dumping social intra-européen au cabotage. 

Nous portons, depuis de nombreuses années, dans les diverses instances des champs nationaux et Européens, un message fort contre les déréglementations et les inégalités qui régissent le transport maritime intra européen. 

Nous ne ferons pas liste, mais, pour mémoire, de nombreux rapports ont été édités sur le sujet : 
2015 : RAPPORT BALLAS. 
2017 : AUDITION AU COMITE ECONOMIQUE ET SOCIAL (CESE), / RAPPORT SUR LE DUMPING SOCIAL AU SEIN DU CONSEIL SUPERIEUR DES GENS DE MER, / CONFERENCE MARITIME BRUXELLES. 
2018 : TRAVAUX AU SEIN DU GROUPE EXPERT CABOTAGE DES SYNDICATS MARITIMES EUROPEENS, / MOTION SPECIFIQUE SUR LA LUTTE CONTRE LE DUMPING SOCIAL DE LA ZONE EUROPEENNE AU CONGRES DES SYNDICATS DU TRANSPORTS. 

Face à un immobilisme des instances Européennes, la déréglementation du transport maritime permet aujourd’hui de mettre en péril le cabotage et plus particulièrement le secteur ferries transmanche . 

Le BREXIT reste un accélérateur qui, dans ses plus funestes pratiques, nous confronte aux logiques purement économiques utilisées par certaines compagnies comme PO avec une seule variable d’ajustement, basée sur les inégalités de traitement des travailleurs du secteur maritime dans les zones intra-communautaires. 

Aucun dispositif réglementaire contraignant n’est aujourd’hui en mesure de prévenir les situations d’abus au droit. 
Le seul axe permettant de lutter efficacement contre ces dérives restera le cadre juridique Européen et une volonté politique forte à vouloir mettre en œuvre des pratiques sociales équitables. 

La dernière conférence maritime organisée en 2017 à BRUXELLES (portée de manière conjointe par les syndicats maritimes EUROPEENS et le Gouvernement Français) avait mis en avant que la politique maritime Européenne devait appeler fermement les décideurs de l’UE sur plusieurs points, dont une réflexion sur l'opportunité d'un espace maritime commun exempt de dumping social. 

Les voyages internationaux entre ports de l'UE pourraient être redéfinis comme des voyages intérieurs. 

Nous suggérons que cette approche soit désormais utilisée comme levier pour ouvrir de nouveaux espaces de travail ambitieux au sein du dialogue social Européen avec une définition claire et équitable d'une politique de cabotage communautaire, afin de lutter efficacement contre le DUMPING SOCIAL. 

  1. Une refonte de la directive sur les conditions des équipages pour les services de fret, de transbordeurs et de transport de voyageurs entre les États membres doit être soumise par le législateur européen, afin de garantir des conditions de concurrence équitables pour tous les gens de mer qui font du commerce ou établissent des échanges commerciaux réguliers et exclusifs dans l’UE.
  2. Cette directive doit également enrayer la spirale à la baisse des salaires et les pratiques discriminatoires fondées sur la nationalité́ et/ou le lieu de résidence ou d’immatriculation du pavillon.
  3. Ce cadre législatif tant attendu devrait garantir que les conditions d’emploi à bord d’un navire opérant entre différents États sont celles du pays qui applique les normes les plus favorables – en d'autres termes, un nivellement vers le haut. En outre, l’adoption d'urgence d’un cadre légal établissant le droit des États membres à stipuler les conditions s’appliquant aux équipages sur les navires assurant des services offshores dans leurs eaux territoriales.
  4.  Il faut également Colmater les failles des aides d’État au transport maritime :  Les aides d’État ne prévoyaient pas l’effondrement du nombre de gens de mer européens ou du tonnage enregistré en Europe, sans parler de la hausse continue de l’utilisation des pavillons de complaisance. 

L’argent des contribuables européens subventionne l’emploi et l’exploitation de gens de mer non européens, tandis que certains armateurs profitent des bas salaires, des conditions d’emploi précaires et de la détérioration des conditions de travail qui caractérisent le modèle d’équipage à bas coût. 
Les failles doivent être donc colmatées. Pour exemple, les entreprises qui utilisent la double immatriculation, pour tirer parti de la taxation au tonnage, l’utilisation de navires affrétés et l’utilisation d’agences de recrutement peu recommandables, y compris d’agences situées en dehors de l’UE. 
L’octroi des futures aides d’État devrait en outre être strictement réservé à l’emploi de ressortissants de l’UE dans le cadre des registres de pavillons nationaux. 

Les registres secondaires doivent être autorisés uniquement lorsqu’il existe des avantages avérés en faveur de l’emploi de gens de mer européens. 
Ces failles doivent être corrigées dès maintenant, afin de faire revenir la Commission sur sa décision de ne pas modifier la manière dont les aides d’État sont accordées au secteur du transport maritime. 

La définition juridique des responsabilités est sujette à interprétation sur les notions d’employeur, de propriétaire, d’agent et d’armateur telle que définie dans la MLC. 

A court terme, le modèle social que nous connaissons au Secteur Ferries est en péril si des mesures politiques fortes de protection ne sont pas mises en œuvre au niveau national et Européen. 

L’UFM CFDT a toujours défendu les armements valorisant l’emploi du marin Français. Nous avons su, conscients des enjeux économiques, en front commun, les soutenir pour obtenir toutes les aides économiques permettant leur développement. 

Dans une mondialisation exacerbée du transport maritime, le CABOTAGE semblait préserver les emplois de navigants Français. A ce jour, rien n’est moins sûr, tant la déréglementation possible au sein de l’EU permet de légitimer ce Dumping Social des plus agressifs.

POST FONTENOY, Le Gouvernement se doit de poursuivre avec force les actions sur le dumping social intracommunautaire, mais, nous le savons, ces actions sont longues et demandent un consensus entre États membres. 

Nous sommes donc dans l’urgence et il nous faut être plus agressifs en termes de droit et concrètement utiliser tous les outils de l’État français pour contrer ces dérives. 

3 axes majeurs avaient été dégagés par le GT dumping social du CSGM : 

  • Fiscalité́, cotisations sociales :

La distorsion de concurrence entre États membres causée par des disparités sur le plan fiscal est un sujet majeur. Ce sujet est lié à diverses problématiques telles que le netwage plus ou moins large (charges salariales, patronales, reversement à l’armateur en cas de prélèvement à la source dans certains États) et touche différentes activités (exemple : navires de service, vraquiers français et italiens). Cette question doit être abordée au regard des autres dispositifs de soutien (fiscalité́). 

  • Règles de pavillon :

La concurrence entre les États membres est faussée par des différences au niveau des règles de pavillon. Cela concerne notamment les exigences en matière de safe manning, le pourcentage minimum de marins communautaires embarqués ou encore le traitement administratif de l’immatriculation des navires. 

  • Politique de contrôle :l’axe le plus probant qui doit retenir toute notre attention

L’efficacité de la lutte contre le dumping social dépend de l’application effective d’une politique de contrôle au niveau européen. Les différences entre États membres, quant au niveau d’exigence de la politique de contrôle, contribuent aux écarts de concurrence.  L’état français se doit de monter en puissance sur les contrôles en utilisant tous les outils législatif national à sa disposition .  
Plusieurs problématiques sont à mettre en lien avec la question du contrôle :  
(État d’accueil (règlement (CEE) n°3577/92), rôle des inspecteurs ITF, Port State Control et Paris MOU, possible  création d’un corps européen d’inspection, stratégie de contrôle de la DAM, création d’un label social européen, etc…) 

EN CONCLUSION : 
Nous doutons d’un atterrissage positif pour un accord bilatéral entre États, même si des discussions sont toujours en cours entre opérateurs. l’UFM CFDT travaille également avec ses collègues de l’ETF , et plus particulièrement avec le syndicat NAUTILUS pour porter la voie des gens de mer côté UK.

Nous demandons, Monsieur le Secrétaire d’État, que l’État Français puisse actionner tous les leviers à sa disposition pour favoriser, sanctuariser et développer l’emploi de marins français au cabotage national. 

La politique de contrôle se doit de monter en puissance dans nos ports français. Les règles de l’État d’accueil pour les services réguliers de passagers entre États membres de l’EU se doit d’être privilégiées avec pour mot d’ordre l’application, en termes de règles sociales, de celles de la meilleure Convention Collective applicable. Nous notons également avec inquiétude que le texte transmis au sénat de la loi sur l’accélération des énergies renouvelables ne comprend plus la couverture par l’état d’acceuil, c’est un mauvais signe ,mais cela peut encore être rectifié et nous vous demandons d’agir. 

L’UFM CFDT se tient à votre disposition dans les prochains échanges et reste en attente sur les pistes que vous envisagez pour contrer les dérives actuelles de concurrence au cabotage et l’éolien . Cette réunion des partenaires sociaux unis sur ce dossier urgent est forte en symbole. L’urgence est de mise et nous comptons sur votre soutien pour défendre l’emploi du marin Français. 
En vous remerciant, Monsieur le Ministre. 

La délégation UFM CFDT.