
Béatrice Lestic, Secrétaire nationale CFDT responsable notamment de la politique en matière de l’égalité professionnelle et représentante des travailleurs français à l’OIT: "Unis dans nos fiertés, solidaires dans nos droits"
1. Quel constat faites-vous aujourd’hui sur la place des femmes et des minorités dans le monde du travail en Europe ?
L’Europe a progressé, c’est vrai. Les femmes sont plus nombreuses sur le marché du travail, et les personnes gays et lesbiennes y sont plus visibles. Mais cette avancée reste incomplète, inégale et fragile.
Certaines minorités, notamment les personnes trans, sont encore massivement discriminées, surtout à l’embauche. Trop souvent, leur parcours professionnel est marqué par la précarité, l’exclusion ou le rejet.
Et pour celles et ceux qui ont un emploi, la réalité, c’est celle des métiers moins valorisés, moins rémunérés, et d’une double peine sociale.
Les femmes, par exemple, continuent de représenter une large part des travailleuses pauvres… et plus tard des retraitées pauvres. L’égalité salariale reste donc un combat de tous les jours, et non une promesse en l’air.
2. Quel rôle peuvent jouer les syndicats face aux discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, notamment dans les transports ?
Un rôle clé, incontournable. Le secteur des transports est un parfait révélateur des inégalités. Les métiers sont encore extrêmement genrés : conducteurs de train, chauffeurs de bus ou de poids lourds, pilotes d’avion… Ces postes restent dominés par les hommes. Résultat : les femmes et les personnes LGBT+ y sont sous-représentées, et les métiers à forte présence féminine sont moins reconnus et moins rémunérés.
Il faut casser cette ségrégation professionnelle, ouvrir l’accès à tous les métiers, peu importe le genre. Et ça passe par l’éducation, la formation, l’exemplarité dans les entreprises… et dans les syndicats.
Oui, même dans nos structures syndicales, il y a encore trop peu de femmes et de minorités aux postes de responsabilité. À la CFDT, on agit, on change les choses. Mais il faut aller plus loin, plus vite. L’égalité ne se décrète pas : elle se construit.
3. Comment s’assurer que les politiques d’égalité deviennent réalité, et pas seulement des discours ?
Les lois sont nécessaires, mais elles ne suffisent pas. Il faut des leviers puissants pour que les textes soient appliqués, contrôlés, sanctionnés si besoin. Et ce levier, ce sont les syndicats.
Tant que les organisations syndicales n’investissent pas pleinement ces sujets, qu’elles ne poussent pas à leur application dans les branches, les entreprises, les services, les avancées resteront timides. Trop de lois dorment dans les tiroirs.
La directive européenne sur la transparence salariale, par exemple, est une vraie opportunité. À nous, syndicats, de la transformer en levier pour faire bouger les lignes. Pas demain. Maintenant.
4. Quelles actions prioritaires pour garantir un environnement professionnel sûr et inclusif pour les personnes LGBTQIA+ ?
Première priorité : la tolérance zéro face aux discriminations et aux violences, quelles qu’elles soient — sexistes, sexuelles, homophobes, transphobes. Dans le secteur du transport, les témoignages existent, et souvent ils se taisent. Nous devons créer des environnements de travail où chacun et chacune se sent en sécurité, respecté·e, légitime.
À la CFDT, on agit concrètement : on forme, on sanctionne si nécessaire, et on accompagne. Cette ligne, elle est claire : pas de place pour la haine, l’exclusion ou le mépris.
Mais il faut aussi ouvrir les portes du syndicalisme aux personnes LGBTQIA+. Leur place est dans les équipes syndicales, dans les instances, dans les négociations. C’est par leur engagement, et en les soutenant, qu’on fait progresser l’ensemble du monde du travail.
5. Quelle réponse face à la montée de l’extrême droite ? Et que peuvent faire les syndicats ?
L’extrême droite n’est jamais la solution. Elle est toujours un danger. Pour les droits des travailleurs, pour les femmes, pour les minorités, pour la démocratie.
Partout où elle accède au pouvoir — en Hongrie, en Pologne, aux États-Unis, en Argentine — elle recule les droits, attaque la liberté, stigmatise les personnes LGBTQIA+, remet en cause les droits des femmes. Elle promeut une vision fermée, autoritaire, patriarcale de la société.
À la CFDT, comme à la Confédération Européenne des Syndicats (CES) ou à la Confédération Internationale Syndicale (CSI), notre position est claire : nous combattons l’extrême droite, ses idées, ses discours, ses projets. Elle est incompatible avec les valeurs que nous portons : solidarité, égalité, émancipation.
Le syndicalisme est un rempart démocratique. Il doit le rester, et il doit l’être encore plus fort dans les années à venir.
6. Quel message souhaitez-vous adresser aux personnes LGBTQIA+ qui travaillent dans les transports et qui peuvent encore se sentir isolées ou invisibles ?
Vous n’êtes pas seul·es. Votre place est légitime. Votre voix compte.
Le monde du travail n’est pas toujours un espace sûr, c’est vrai. Mais les choses changent, et vous êtes au cœur de ce changement.
À la CFDT, nous voulons des lieux de travail où chacun·e peut être soi-même, sans avoir à se cacher, sans avoir peur.
Mais cela ne se fera pas sans vous. Engagez-vous. Rejoignez-nous. Poussez les portes. Prenez la parole.
Nous serons là pour vous soutenir, vous écouter, vous défendre. Car un syndicat qui ne défend pas toutes les fiertés, ne défend pas tous les droits. Et nous, à la CFDT, nous sommes unis dans nos fiertés, et solidaires dans nos droits.