Introduction : contexte et portée de la réforme
L’action de groupe, bien connue en droit de la consommation a fait l’objet d’une réforme majeure en droit du travail avec la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 et la publication de ses décrets d’application.
Cette réforme répond à une demande croissante de moyens efficaces pour défendre collectivement les droits des salariés face à des atteintes systémiques ou répétées de la part de l’employeur. Elle s’inscrit dans un mouvement général de modernisation du dialogue social et de renforcement des moyens d’action des représentants du personnel par l’adaptation au droit de l’Union Européenne.
Une action de groupe en droit du travail ?
L’action de groupe est une procédure judiciaire permettant à un syndicat représentatif d’agir au nom d’un ensemble de salariés placés dans une situation similaire, de faire valoir collectivement leurs droits lorsqu’ils sont victimes d’un même manquement de l’employeur à ces obligations légales ou contractuelles.
De ce fait, plutôt que d’agir individuellement, les salariés peuvent désormais, par l’intermédiaire d’un syndicat représentatif engager une action unique devant le juge.
Les principaux objectifs de l’action de groupe en droit du travail sont :
L’action de groupe poursuit deux objectifs majeurs :
- Contraindre l’employeur à cesser le manquement (ex. non-respect d’un accord collectif, violation des règles de santé et sécurité, application incomplète du Code du travail),
- Obtenir réparation de préjudices subis de manière collective.
Mais également :
- De renforcer l’effectivité des droits des salariés en facilitant l’accès à la justice ;
- D’inciter les employeurs à se conformer à la législation sociale ;
- De rationaliser le traitement de litiges répétés ou massifs.
La réforme de 2025 change tout : ses nouveautés et sa portée
Avant la réforme, les actions collectives étaient limitées et peu efficaces. La loi du 30 avril 2025 introduit plusieurs innovations majeures :
Un champ élargi : désormais, tout manquement d’un employeur à ses obligations légales et contractuelles peut être contesté collectivement (heures supplémentaires, égalité professionnelle, santé et sécurité, primes, etc.).
- Extension du champ d’application :
Le champs de l’action de groupe a été considérablement élargi par la réforme de 2025. Ainsi, les syndicats représentatifs peuvent exercer une action de groupe :
- En matière de lutte contre les discriminations ;
- En matière de protection des données personnelles ;
- Ou lorsqu’elle tend à la cessation du manquement d’un employeur ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l’autorité de cet employeur.
Sur ce dernier point, le champ de l’action de groupe semble donc couvrir l’ensemble du droit social. Ainsi, elle s’applique à un large éventail de litiges collectifs liés à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail, tels que les discriminations, le harcèlement, l’égalité professionnelle, la sécurité, le non-respect du temps de travail, les heures supplémentaires non-payées, les primes non-versées, les congés payés non attribués, les inégalités salariales etc.
- Légitimation des syndicats : Seuls les syndicats représentatifs sont habilités à engager l’action de groupe pour le compte des salariés concernés, garantissant une représentation qualifiée ;
- Un effet interruptif de prescription : Dès l’engagement de l’action, en effet, la prescription est interrompue pour tous les salariés concernés par la procédure collective ;
- Effets étendus des décisions : le jugement profite à l’ensemble des salariés concernés, même s’ils ne sont pas partis à l’instance, dès lors qu’ils se manifestent dans les délais fixés.
Avantages pour les syndicats :
La réforme de 2025 offre plusieurs avantages stratégiques pour les syndicats, car l’action de groupe devient un outil structurant qui :
- Permet de protéger les salariés sans les exposer individuellement à des risques de rétorsion ;
- Donne la possibilité d’agir collectivement et efficacement contre des pratiques patronales récurrentes ;
- Renforce le rapport de force dans la négociation en devenant les acteurs centraux de la défense collective, en capacité de mutualiser les moyens et de peser face à l’employeur ;
- Apporte une visibilité accrue car en menant des actions de groupe, les organisations syndicales démontrent leur capacité à défendre concrètement les droits des salariés ;
- Apporte meilleure efficacité avec la mutualisation des dossiers et la centralisation des preuves permettent d’optimiser la gestion des litiges collectifs ;
- Sécurise les délais grâce à l’interruption de prescription.
L’action de groupe : comment ça marche ?
La procédure d’action de groupe en droit du travail, telle que prévue par la loi de 2025 se déroule en plusieurs étapes avec :
La réforme a élargi le champ de la procédure, mais certaines étapes restent incontournables :
- Mise en demeure préalable : le syndicat adresse une demande écrite à l’employeur pour qu’il mette fin au manquement ;
- Information du CSE : dans le mois qui suit, l’employeur doit informer le CSE et les autres syndicats représentatifs ;
- Délai de régularisation : l’employeur dispose de 6 mois pour corriger la situation (sauf rejet explicite).
- Saisine du tribunal judiciaire : si le problème persiste, le juge statue sur la responsabilité de l’employeur et définit le groupe de salariés concernés ;
- Adhésion des salariés : les travailleurs éligibles peuvent adhérer au groupe (opt-in). Ils obtiennent alors régularisation et/ou indemnisation.
Exemple concret d’application
Prenons l’exemple suivant d’une entreprise de 500 salariés où il est constaté, par le CSE, une inégalité persistante de rémunération entre les hommes et les femmes à postes équivalents.
Le Syndicat, après avoir alerté la direction et tenté une négociation sans succès décide d’engager une action de groupe.
Il saisit le tribunal judiciaire compétent qui instruit le dossier et constate la discrimination.
Tous les salariés concernés, informés par une communication interne, peuvent alors se rattacher à l’action.
Le jugement ordonne la régularisation des salaires et l’indemnisation des préjudices subis pour l’ensemble des victimes.
Ce cas illustre la force de l’action de groupe comme levier collectif pour faire respecter le droit.
Un vrai impact sur le dialogue social et la conclusion
L’introduction de l’action de groupe en droit du travail transforme profondément le dialogue social.
L’action de groupe en droit du travail est une arme juridique moderne et puissante pour les syndicats qui ouvre une nouvelle page de la défense collective des salariés avec un dispositif clair, efficace et dissuasif, qui place enfin la justice collective au cœur de la relation de travail.
Elle incite les employeurs à anticiper et prévenir les manquements collectifs, tout en donnant un nouvel élan aux syndicats dans leur mission de défense des salariés.
En conclusion, la réforme de 2025 marque une avancée majeure pour la défense collective des droits sociaux
Il nous reste à le mettre en application dans l’intérêt général des salariés et prouver si besoin en est que les Organisations Syndicales sont les maîtres d’œuvre de l’application et du respect des droits de tous les travailleurs, alors ne nous en privons pas.
À nous de nous en saisir. Aux employeurs de comprendre qu’il faudra désormais compter avec surtout sur nous pour faire appliquer le code du travail, la convention collective et les accords d’entreprise.
