Évolution de la législation sur le dialogue social et l’emploi des salariés expérimentés

Suppression de la limitation des mandats successifs au CSE

La limitation à trois mandats successifs au sein du Comité Social et Économique (CSE) appartient désormais au passé. La loi de transposition des accords nationaux interprofessionnels, adoptée le 14 novembre 2024 et publiée au Journal Officiel, marque un tournant majeur dans l’organisation de la représentation du personnel en entreprise.

L’article 8 de la loi n°2025-983 du 22 octobre 2025 supprime en effet la règle qui imposait un plafond de trois mandats consécutifs pour les membres du CSE, une contrainte qui s’appliquait de façon obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés, et pouvait être négociée dans celles de 50 à 300 salariés. Dorénavant, bien que la durée d’un mandat reste fixée à quatre ans, les membres du CSE pourront être réélus sans limitation du nombre de mandats.

C’est une victoire de la CFDT qui a combattu cette ignominie du gouvernement de l’époque qui pensait à tort que le dialogue social était dans l’ADN des entreprises 

Cette limitation des 3 mandats était devenu un frein aux convictions syndicales da la représentation du personnel. La raison l’a enfin emportée

Renforcement du cadre pour l’emploi des salariés seniors

Avec la transposition de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024, le cadre législatif relatif à l’emploi des salariés expérimentés est consolidé. Une nouvelle obligation de négociation sur l’emploi des salariés expérimentés, en prenant en considération leur âge, est instaurée, aussi bien au niveau de l’entreprise (+de 300 salariés) qu’à l’échelle de la branche professionnelle.

Les branches professionnelles devront, après un diagnostic préalable, engager une négociation tous les trois ans concernant l’emploi et les conditions de travail des salariés expérimentés. Cette négociation portera sur plusieurs thèmes essentiels :

  • Le recrutement des salariés expérimentés
  • Leur maintien dans l’emploi
  • L’aménagement des fins de carrière, notamment à travers l’accompagnement vers la retraite progressive ou le temps partiel
  • La transmission des savoirs et compétences, via des missions de mentorat, de tutorat ou de mécénat de compétences

D’autres sujets pourront également être abordés lors de ces négociations, comme les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement des salariés expérimentés, la santé au travail, la prévention des risques professionnels, ainsi que l’organisation et les conditions de travail. Pour les entreprises de moins de 300 salariés, l’accord de branche pourra prévoir un plan d’action dédié.

Dans les entreprises de plus de 300 salariés, la question de l’emploi des salariés expérimentés devient une négociation obligatoire et autonome, indépendante de l’accord de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP). Cette négociation devra avoir lieu au moins une fois tous les quatre ans, ou tous les trois ans en l’absence d’accord d’entreprise aménageant les négociations obligatoires. Les thèmes abordés seront identiques à ceux de la branche.

Le contrat de valorisation de l’expérience (CVE)

La loi introduit, à titre expérimental, le « contrat de valorisation de l’expérience » (CVE), visant à faciliter l’embauche des demandeurs d’emploi âgés d’au moins 60 ans. Dès la signature du CVE, le salarié doit fournir à l’employeur un document précisant la date prévue de son départ à la retraite à taux plein.

Une fois les conditions requises pour la liquidation de la retraite à taux plein remplies, l’employeur pourra procéder à la mise à la retraite d’office du salarié, qui dans ce cas-là bénéficiera alors d’une indemnité de départ équivalente à celle d’un licenciement prévu à l’article L1237-7 du code du travail.

Les articles L. 1237-6 et L. 1237-7 du code du travail sont applicables aux mises à la retraite effectuées en application du III du présent article.

Si ni les conditions de mise à la retraite prévues au même III et au premier alinéa du présent IV de la loi 2025-989 du 24 octobre 2025, ni celles prévues à l’article L. 1237-5 du code du travail ne sont réunies, la rupture du contrat de travail par l’employeur constitue un licenciement.

Aménagement des fins de carrière

Des mesures spécifiques sont prévues pour favoriser l’aménagement des fins de carrière. La loi encadre notamment le refus de l’employeur d’un passage en retraite progressive. Elle permet également, dans le cadre d’un temps partiel de fin de carrière, d’affecter l’indemnité de départ à la retraite afin de compenser, en tout ou partie, la perte de revenu consécutive à la réduction du temps de travail, y compris pour les forfaits-jours.

Dispositions relatives à la reconversion professionnelle

La loi intègre certaines mesures issues de l’ANI du 25 juin 2025 sur les reconversions professionnelles. À compter du 1er janvier 2026, un nouveau dispositif, la « période de reconversion », est instauré. Ce dispositif permet à tout salarié de suivre une formation certifiante en vue d’une mobilité professionnelle, interne ou externe à l’entreprise. La durée de cette période sera comprise entre 150 et 450 heures sur 12 mois, avec une possible extension jusqu’à 2 100 heures sur 36 mois par accord d’entreprise ou de branche.

Dans le cas d’une reconversion interne, le contrat de travail et la rémunération du salarié sont maintenus. Si la reconversion est externe, le contrat de travail est suspendu, permettant la conclusion d’un CDI ou d’un CDD d’au moins six mois chez un autre employeur. Si la période d’essai est concluante, le contrat initial est rompu ; dans le cas contraire, le salarié réintègre son entreprise d’origine. Le financement de ce dispositif est assuré par les OPCO, dans la limite d’une dotation fixée.

Évolutions de l’entretien professionnel

L’entretien professionnel, désormais nommé « entretien de parcours professionnel », doit avoir lieu au cours de la première année suivant l’embauche, puis tous les quatre ans (au lieu de tous les deux ans précédemment). L’entretien de bilan est désormais programmé tous les huit ans, contre six auparavant.

Par ailleurs, un entretien de parcours professionnel doit être organisé dans les deux mois qui suivent la visite médicale de mi-carrière, c’est-à-dire durant l’année des 45 ans, afin d’examiner les éventuelles mesures d’aménagement proposées par le médecin du travail. Enfin, lors de l’entretien professionnel intervenant dans les deux années précédant le 60e anniversaire du salarié, les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagement de fin de carrière devront être abordées en plus des thèmes habituels.

Climat et dialogue social

La CFDT porte un regard aigu sur les questions environnementales depuis toujours, encore plus et de manière très structurée depuis les Grenelles de l’environnement et de la mer. La CFDT mène le combat contre le changement climatique et la perte de biodiversité.

Les dernières élections ont montré l’importance accordée par nos concitoyens à leur pouvoir d’achat et à l’emploi. Dès lors, la Transition écologique et la lutte contre les désordres physiques de la planète ne se conçoivent qu’accompagnées de mesures de justice sociale.

La FGTE – CFDT pose, à l’identique d’un groupe de travail du GIEC, le préalable suivant : « l’accélération de l’adaptation des systèmes humains et des écosystèmes au changement climatique ne peut se faire sans un engagement fort des cadres institutionnels et politiques et sans la mobilisation de ressources financières adéquates. »

De ce fait, la FGTE – CFDT estime que l’évidence d’une croissance sans fin, portée par l’utilisation d’énergies fossiles, représente un double déni de réalité :

  • du lien entre ces énergies émettrices de GES et le changement climatique en cours
  • de la menace existentielle découlant des +4°C possibles en 2050…

La FGTE – CFDT croit aux solutions basées sur le dialogue social, tant pour exprimer l’interdépendance entre Climat et Biodiversité, que pour susciter l’acceptabilité des énergies marines renouvelables ou le concept de protection forte des écosystèmes marins.

La FGTE – CFDT considère que cette démarche de co-construction d’objectifs stratégiques avec l’ensemble des parties constituantes peut ainsi être facilitée dans les filières et les entreprises concernées.

Pour éviter les résistances radicales au changement il faut négocier les contreparties et les mesures d’adaptation au changement. En effet, les travailleuses et les travailleurs, dans leurs activités sont parmi les premiers touchés par le dérèglement climatique et par les mesures prises pour le limiter.

ACTION DE GROUPE : Un nouvel outil collectif au service des salariés et des syndicats

Introduction : contexte et portée de la réforme

L’action de groupe, bien connue en droit de la consommation a fait l’objet d’une réforme majeure en droit du travail avec la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 et la publication de ses décrets d’application.

Cette réforme répond à une demande croissante de moyens efficaces pour défendre collectivement les droits des salariés face à des atteintes systémiques ou répétées de la part de l’employeur. Elle s’inscrit dans un mouvement général de modernisation du dialogue social et de renforcement des moyens d’action des représentants du personnel par l’adaptation au droit de l’Union Européenne.

Une action de groupe en droit du travail ?

L’action de groupe est une procédure judiciaire permettant à un syndicat représentatif d’agir au nom d’un ensemble de salariés placés dans une situation similaire, de faire valoir collectivement leurs droits lorsqu’ils sont victimes d’un même manquement de l’employeur à ces obligations légales ou contractuelles.

De ce fait, plutôt que d’agir individuellement, les salariés peuvent désormais, par l’intermédiaire d’un syndicat représentatif engager une action unique devant le juge.

Les principaux objectifs de l’action de groupe en droit du travail sont :

L’action de groupe poursuit deux objectifs majeurs :

  • Contraindre l’employeur à cesser le manquement (ex. non-respect d’un accord collectif, violation des règles de santé et sécurité, application incomplète du Code du travail),
  • Obtenir réparation de préjudices subis de manière collective. 

Mais également :

  • De renforcer l’effectivité des droits des salariés en facilitant l’accès à la justice ;
  • D’inciter les employeurs à se conformer à la législation sociale ;
  • De rationaliser le traitement de litiges répétés ou massifs.

La réforme de 2025 change tout : ses nouveautés et sa portée

Avant la réforme, les actions collectives étaient limitées et peu efficaces. La loi du 30 avril 2025 introduit plusieurs innovations majeures :

 Un champ élargi : désormais, tout manquement d’un employeur à ses obligations légales et contractuelles peut être contesté collectivement (heures supplémentaires, égalité professionnelle, santé et sécurité, primes, etc.). 

  • Extension du champ d’application : 

Le champs de l’action de groupe a été considérablement élargi par la réforme de 2025. Ainsi, les syndicats représentatifs peuvent exercer une action de groupe :

  • En matière de lutte contre les discriminations ;
  • En matière de protection des données personnelles ;
  • Ou lorsqu’elle tend à la cessation du manquement d’un employeur ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l’autorité de cet employeur.

Sur ce dernier point, le champ de l’action de groupe semble donc couvrir l’ensemble du droit social. Ainsi, elle s’applique à un large éventail de litiges collectifs liés à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail, tels que les discriminations, le harcèlement, l’égalité professionnelle, la sécurité, le non-respect du temps de travail, les heures supplémentaires non-payées, les primes non-versées, les congés payés non attribués, les inégalités salariales etc.

  • Légitimation des syndicats :  Seuls les syndicats représentatifs sont habilités à engager l’action de groupe pour le compte des salariés concernés, garantissant une représentation qualifiée ;
  • Un effet interruptif de prescription : Dès l’engagement de l’action, en effet, la prescription est interrompue pour tous les salariés concernés par la procédure collective ;
  • Effets étendus des décisions : le jugement profite à l’ensemble des salariés concernés, même s’ils ne sont pas partis à l’instance, dès lors qu’ils se manifestent dans les délais fixés.

Avantages pour les syndicats :

La réforme de 2025 offre plusieurs avantages stratégiques pour les syndicats, car l’action de groupe devient un outil structurant qui :

  • Permet de protéger les salariés sans les exposer individuellement à des risques de rétorsion ;
  • Donne la possibilité d’agir collectivement et efficacement contre des pratiques patronales récurrentes ;
  • Renforce le rapport de force dans la négociation en devenant les acteurs centraux de la défense collective, en capacité de mutualiser les moyens et de peser face à l’employeur ;
  • Apporte une visibilité accrue car en menant des actions de groupe, les organisations syndicales démontrent leur capacité à défendre concrètement les droits des salariés ;
  • Apporte meilleure efficacité avec la mutualisation des dossiers et la centralisation des preuves permettent d’optimiser la gestion des litiges collectifs ;
  • Sécurise les délais grâce à l’interruption de prescription.

L’action de groupe : comment ça marche ?

La procédure d’action de groupe en droit du travail, telle que prévue par la loi de 2025 se déroule en plusieurs étapes avec :

La réforme a élargi le champ de la procédure, mais certaines étapes restent incontournables :

  1. Mise en demeure préalable : le syndicat adresse une demande écrite à l’employeur pour qu’il mette fin au manquement ;
  2.  Information du CSE : dans le mois qui suit, l’employeur doit informer le CSE et les autres syndicats représentatifs ;
  3. Délai de régularisation : l’employeur dispose de 6 mois pour corriger la situation (sauf rejet explicite).
  4. Saisine du tribunal judiciaire : si le problème persiste, le juge statue sur la responsabilité de l’employeur et définit le groupe de salariés concernés ;
  5. Adhésion des salariés : les travailleurs éligibles peuvent adhérer au groupe (opt-in). Ils obtiennent alors régularisation et/ou indemnisation.

Exemple concret d’application

Prenons l’exemple suivant d’une entreprise de 500 salariés où il est constaté, par le CSE, une inégalité persistante de rémunération entre les hommes et les femmes à postes équivalents.

Le Syndicat, après avoir alerté la direction et tenté une négociation sans succès décide d’engager une action de groupe.

Il saisit le tribunal judiciaire compétent qui instruit le dossier et constate la discrimination.

Tous les salariés concernés, informés par une communication interne, peuvent alors se rattacher à l’action.

Le jugement ordonne la régularisation des salaires et l’indemnisation des préjudices subis pour l’ensemble des victimes.

Ce cas illustre la force de l’action de groupe comme levier collectif pour faire respecter le droit.

Un vrai impact sur le dialogue social et la conclusion

L’introduction de l’action de groupe en droit du travail transforme profondément le dialogue social.

L’action de groupe en droit du travail est une arme juridique moderne et puissante pour les syndicats qui ouvre une nouvelle page de la défense collective des salariés avec un dispositif clair, efficace et dissuasif, qui place enfin la justice collective au cœur de la relation de travail.

Elle incite les employeurs à anticiper et prévenir les manquements collectifs, tout en donnant un nouvel élan aux syndicats dans leur mission de défense des salariés.

En conclusion, la réforme de 2025 marque une avancée majeure pour la défense collective des droits sociaux

Il nous reste à le mettre en application dans l’intérêt général des salariés et prouver si besoin en est que les Organisations Syndicales sont les maîtres d’œuvre de l’application et du respect des droits de tous les travailleurs, alors ne nous en privons pas. 

À nous de nous en saisir. Aux employeurs de comprendre qu’il faudra désormais compter sur nous pour faire appliquer les droits nés du code du travail, de la convention collective et des accords d’entreprise.

Les syndicats européens appellent l’UE à des sanctions immédiates contre Israël

Bruxelles, 24 septembre 2025 — À l’issue d’une rencontre avec l’ambassadeur de Palestine auprès de l’Union européenne, les principales organisations syndicales européennes ont publié une déclaration commune appelant à une réaction plus ferme et cohérente de la part de l’UE face à la situation dramatique dans la bande de Gaza et en Cisjordanie occupée.

Un appel à l’action et non plus aux déclarations

La Confédération européenne des syndicats (CES) et plusieurs Fédérations syndicales européennes dont ETF (fédération européenne des travailleurs des transports) à laquelle la FGTE CFDT est affiliée ont salué la récente Déclaration de New York réaffirmant la solution à deux États comme voie vers une paix durable au Proche-Orient. Elles appellent désormais l’Union européenne et ses États membres à aller au-delà des mots en adoptant des mesures concrètes, y compris des sanctions économiques immédiates contre Israël.

Suspension de l’accord UE-Israël et interdiction des produits des colonies

Les syndicats demandent notamment la suspension totale de l’accord d’association UE-Israël, en réaction aux violations répétées du droit international humanitaire, et l’interdiction des relations commerciales avec les colonies israéliennes situées dans les territoires palestiniens occupés. Ces colonies, jugées illégales par les Nations Unies, doivent être exclues de tout commerce européen afin d’éviter toute complicité dans les atteintes aux droits des Palestiniens.

Condamnation de l’opération militaire à Gaza et de l’expansion coloniale

Les organisations syndicales ont exprimé leur plus ferme condamnation de la récente opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, qualifiée de « massive » et ayant fait de nombreuses victimes civiles. Elles dénoncent également le projet de colonie E1 en Cisjordanie, considéré comme une tentative d’annexion illégale.

Rappelant que la famine utilisée comme arme de guerre est un crime selon la Cour pénale internationale, les syndicats appellent l’UE à prendre ses responsabilités face aux violations documentées par des instances internationales, y compris celles relevant potentiellement du crime de génocide.

Soutien au peuple palestinien et à ceux qui refusent la guerre

La déclaration appelle également à renforcer le soutien financier à l’UNRWA et à l’Autorité palestinienne, afin de permettre le paiement des salaires des travailleurs palestiniens. Elle dénonce par ailleurs la criminalisation des travailleurs européens ayant manifesté leur solidarité avec la Palestine ou ayant refusé de charger des cargaisons d’armes à destination d’Israël.

Des sanctions ciblées contre les colons violents et les ministres extrémistes

Enfin, les syndicats exigent des sanctions individuelles contre les colons violents et contre certains ministres israéliens accusés d’incitation à la haine et à la violence. Ils réclament également la suspension du financement du programme Horizon Europe à Israël et la mise en pause du soutien bilatéral.

Un message clair : le temps des paroles est révolu

« Le temps des avertissements et des déclarations est révolu depuis longtemps », conclut la déclaration. Les syndicats appellent l’Union européenne à agir avec détermination et sans délai, en conformité avec ses propres valeurs et ses engagements en matière de droits humains, afin de promouvoir une paix juste et durable, fondée sur le droit international et la reconnaissance de deux États vivant côte à côte en sécurité.

Pour lire la déclaration commune, cliquez ici

Le Cahier d’Acteur : c’est quoi ?

Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo de présentation du Cahier d’Acteur réalisée par le Secrétaire Général de la FGTE, Sébastien MARIANI.

Parcourez-le, en cliquant sur le visuel ci-dessous.

Sous-traitance dans la logistique : un modèle d’exploitation dénoncé au Parlement européen

Bruxelles, 24 juin 2025 – Une audition publique organisée le 24 juin au Parlement européen a levé le voile sur l’ampleur de l’exploitation dans le secteur de la logistique en Europe. À l’initiative de la députée européenne Estelle Ceulemans(S&D), la séance a réuni syndicalistes, chercheurs, représentants de la Commission européenne et responsables d’agences européennes, autour d’un rapport accablant intitulé « Sorry, we subcontracted you » soit « pardon, nous vous avons sous-traité », publié par la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) et l’Institut syndical européen (ETUI).

 Un système de sous-traitance organisé pour éroder les droits

Le rapport met en lumière un usage massif et structuré de la sous-traitance dans la logistique, qui permet aux grandes entreprises de déléguer leurs responsabilités sociales et juridiques à des chaînes d’intermédiaires diluant ainsi la responsabilité. Résultat : des conditions de travail dégradées, des salaires en baisse, un affaiblissement de la négociation collective et une précarité croissante, notamment pour les travailleurs migrants et détachés.

Ce phénomène ne relève pas d’un dysfonctionnement mais d’un modèle économique délibéré, selon les auteurs. De nombreux témoignages ont décrit des chauffeurs surexploités, des livreurs sans couverture sociale, et des licenciements abusifs lorsque des sous-traitants disparaissent du jour au lendemain.

 Une chaîne logistique opaque et volatile

Les intervenants ont insisté sur la complexité des chaînes de sous-traitance, qui rend souvent impossible l’identification de l’employeur réel. Ce manque de transparence est aggravé par le recours à des entreprises “boîtes aux lettres”, la courte durée de vie des sous-traitants, et la fragmentation des responsabilités.

Les algorithmes de gestion du travail accentuent cette opacité, en dictant des rythmes intenses, sans espace pour la négociation collective ni pour la sécurité.

Une réponse européenne encore trop timide

Stefan Olsson, directeur à la DG Emploi de la Commission européenne, a reconnu l’ampleur du problème :

« Il y a une très forte pression sur la négociation collective et beaucoup de risques sociaux. »

Il a rappelé le rôle de l’Autorité européenne du travail (ELA), créée il y a cinq ans, qui commence à mener des inspections conjointes transfrontalières. Toutefois, 57 inspections dans le transport en cinq ans restent largement insuffisantes au regard de l’ampleur du phénomène, c’est ce qui a été mis en avant par Céline Ruffié, représentante FGTE-CFDT.

Des recommandations concrètes mais urgentes

Parmi les recommandations du rapport ETF/ETUI et des syndicats présents :

  • Interdire la sous-traitance des activités principales des entreprises ;
  • Limiter la longueur des chaînes de sous-traitance ;
  • Responsabiliser juridiquement l’entreprise donneuse d’ordre à chaque niveau de la chaîne ;
  • Renforcer massivement les inspections du travail, notamment au niveau transnational ;
  • Soutenir l’accès à la justice pour les travailleurs, avec le droit pour les syndicats d’agir en justice ;
  • Faciliter l’activité syndicale auprès des travailleurs sous-traités et isolés ;
  • Adopter une feuille de route européenne pour des emplois de qualité, comme le prévoit le socle européen des droits sociaux.

 Un enjeu politique majeur

La confédération européenne des syndicats (CES), par la voix d’Esther Lynch, a dénoncé un système qui « élimine les droits des travailleurs au nom du profit ».

« Ce n’est pas un modèle, c’est une arnaque. Nous avons besoin d’une Europe qui protège. »

Plusieurs eurodéputés, dont Marianne Vind (S&D) et Estelle Ceulemans (S&D), appellent à une réforme législative ambitieuse pour sortir de la logique d’exploitation.

Mais des tensions politiques émergent : certaines forces (notamment PPE) souhaitent relever les seuils d’application de la directive sur le devoir de vigilance à 5000 salariés, ce qui exclurait la majorité des entreprises de la logistique du champ d’application. Par exemple, en France il n’y aurait plus que 22 entreprises qui seraient concernées d’après la députée Estelle Ceulemans.

Quelle Europe voulons-nous ?

En toile de fond, une question traverse le débat : l’Union européenne choisira-t-elle la voie de la compétitivité à tout prix ou celle de la justice sociale ?

Pour les syndicats, la révision des règles de sous-traitance, les marchés publics et le rôle renforcé de l’ELA sont des leviers concrets pour construire une économie plus juste.

« Il est temps de restaurer la confiance dans l’Europe, et cela passe par des emplois dignes », a résumé un participant.

Conférence ETF Road à Bruxelles : la CFDT alerte sur la situation critique du transport routier

Bruxelles, 15 avril 2025 – À l’occasion de la conférence « ETF Road » organisée par la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), Kamal El Jaouhari, représentant de l’UF route FGTE-CFDT, a pris la parole pour défendre les droits des conducteurs routiers et alerter sur les graves dysfonctionnements du secteur en France et en Europe.

Un constat alarmant sur le terrain

En réaction à la présentation de Michael Wahl (FAIR TRANSPORT), centrée sur l’application du Paquet Mobilité, Kamal El Jaouhari a rappelé que les conditions d’accueil des conducteurs dans les plateformes logistiques se sont fortement dégradées.

« De nombreuses plateformes ferment désormais leur parking le soir et interdisent l’accès aux conducteurs, y compris à ceux qui doivent charger ou décharger leur véhicule, alors que ces tâches devraient incomber aux plateformes elles-mêmes. »

 Des moyens de contrôle largement insuffisants

La CFDT a également pointé le manque de moyens pour faire respecter la réglementation. Avec seulement environ 400 agents DREAL chargés du contrôle sur tout le territoire français, les infractions liées au cabotage illégal, au non-respect du repos hebdomadaire ou encore aux obligations sociales restent trop souvent impunies.

« Il est urgent que l’État recrute et forme davantage de contrôleurs pour garantir l’effectivité du Paquet Mobilité. »

Une action concrète contre le dumping social

Kamal El Jaouhari rappelé que la CFDT siège dans les commissions territoriales des sanctions administratives, qui peuvent prononcer des interdictions temporaires de cabotage contre les entreprises en infraction. Cette mesure dissuasive vise à protéger les entreprises françaises et lutter contre la concurrence déloyale.

« Ces sanctions – jusqu’à un an d’interdiction de cabotage – sont un levier essentiel pour stopper les pratiques abusives de certains transporteurs étrangers. »

Une hécatombe économique en 2024

La CFDT a également tiré la sonnette d’alarme face à la situation économique du secteur : plus de 60 000 entreprises de transport ont fait faillite en France en 2024.

« Le secteur est au bord du gouffre. Sans mesures concrètes pour lutter contre le dumping social et améliorer la rentabilité des entreprises, c’est tout un pan de notre économie qui est en péril. »

Attirer les jeunes ? Oui, mais pas à n’importe quel prix

La deuxième partie de la journée a été consacrée à l’attractivité du métier. Sur ce point, la CFDT a exprimé de vives inquiétudes quant à la proposition d’autoriser les jeunes de 17 ans à conduire des poids lourds.

« Il est irresponsable de confier un véhicule de cette taille à un mineur. L’attractivité ne peut pas se faire au détriment de la sécurité. »

Pour la CFDT, la revalorisation des salaires et l’amélioration des conditions de travail sont les vraies clés pour redonner de l’élan à la profession. Elle attend également la publication d’un décret sur la question du chargement et du déchargement, comme cela a été fait en Espagne et au Portugal.

L’UF route de la FGTE-CFDT mobilisée pour un transport routier plus juste

À travers cette intervention à Bruxelles, la CFDT réaffirme son engagement pour un transport routier plus humain, plus équitable et plus respectueux des droits sociaux. « Nous ne lâcherons rien sur la défense des conducteurs et la régulation du secteur. L’Europe doit avancer vers une harmonisation par le haut, pas vers une concurrence destructrice. » – Kamal El Jaouhari, FGTE-CFDT.

Anniversaire de ratification :  6 ans de la Convention n°190 de l’OIT contre la violence et le harcèlement au travail

La France a ratifié la convention : et maintenant ?

Il y a six ans, le 21 juin 2019, l’Organisation internationale du travail (OIT) adoptait un texte majeur : la Convention n°190 (C190) et la recommandation 206 (R206) sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail.
Un texte fondateur qui reconnaît enfin que le droit à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement est un droit fondamental.

  •  Une avancée historique

La C190 est la première norme internationale à s’attaquer de manière globale à la question de la violence et du harcèlement, y compris la violence fondée sur le genre, qu’elle soit physique, psychologique, sexuelle ou économique. Elle protège toutes les personnes au travail, quels que soient leur contrat, leur secteur ou leur statut, et reconnaît l’impact disproportionné de ces violences sur les femmes et les personnes marginalisées.

  • La France parmi les premiers pays à ratifier

La France a ratifié la Convention C190 le 1er mars 2021, devenant ainsi l’un des tout premiers pays au monde à officialiser son engagement. Cette ratification a été saluée comme un signal fort. Elle oblige désormais l’État français à adapter ses lois, ses politiques et ses pratiques afin de garantir la mise en œuvre de ses principes.

Mais ratifier ne suffit pas : il faut maintenant appliquer.

Le gouvernement est maintenant tenu de soumettre son tout premier rapport sur la mise en œuvre de la C190.

Dans le cadre de ce processus, les gouvernements sont tenus de solliciter la contribution des représentants des travailleuses et travailleurs. Cette demande de contribution est spécifiquement inscrite dans la convention 144 sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail.

Les syndicats de travailleuses et travailleurs ont également la possibilité de soumettre des rapports alternatifs.

  • Des secteurs encore très exposés : le cas des transports

Dans de nombreux secteurs, la violence et le harcèlement restent une réalité quotidienne, en particulier dans les métiers en contact avec le public. Les travailleuses des transports, notamment, sont fréquemment exposées aux insultes, menaces, agressions, parfois même dans l’indifférence des directions ou sans véritable protection.

Le Comité des femmes de l’ETF (Fédération européenne des travailleurs des transports) a récemment lancé une enquête sur la violence à l’encontre des travailleuses du secteur, afin de mieux documenter ces situations et d’exiger des mesures concrètes.

👉 Participer à l’enquête (FR) en cliquant ici ou en scannant le QR code sur le visuel ci-dessous :

  •  Ce que la ratification implique réellement

En ratifiant la C190, la France s’est engagée à :

  1. Adopter une législation interdisant clairement la violence et le harcèlement au travail
  2. Renforcer les moyens de prévention, notamment par la formation, les politiques de sensibilisation, et la protection des victimes
  3. Permettre aux salarié·es de faire valoir leurs droits, y compris via des recours accessibles et efficaces
  4. Dialoguer avec les partenaires sociaux, pour construire des milieux de travail sûrs et respectueux

6 ans après : le combat continue

La ratification française est une étape, mais le chemin vers une application effective reste long.
Les violences sexistes et sexuelles, les discriminations, le harcèlement moral ou organisationnel ne disparaîtront pas sans volonté politique, moyens concrets et dialogue social réel.

Nous rappelons que :

  • Chaque travailleur·euse a droit à un environnement sans violence ni peur
  • Le monde syndical, les institutions et les entreprises doivent rendre la C190 vivante
  • Les témoignages des victimes doivent être entendus, crus et suivis d’effets

La Convention 190 est une boussole : à nous de tracer la voie.